Nous avons découvert le Musée du poète ferrailleur par hasard, en 2015. Alors que nous roulions sans prêter attention au paysage, notre regard fut saisi par le spectacle d’une étonnante prairie. On y voyait trôner au loin des tours biscornues et colorées de plusieurs mètres de hauteur, à mi-chemin entre le décor d’un film de Tim Burton et le palais du Facteur Cheval.
Notre curiosité piquée, nous nous sommes arrêtés. Une pancarte nous signifiait que nous étions devant « l’univers du poète ferrailleur ». Rien que ça ! Dommage, c’était fermé. Nous sommes revenus quelques mois plus tard, aux heures d’ouverture. Quatre heures pour flâner dans ce lieu, à mi-chemin entre le décor d’un film de Tim Burton et le palais du Facteur Cheval, c’était beaucoup trop court.
Un an plus tard, nous sommes retournés cette fois pour faire connaissance avec le créateur de cet univers : Robert Coudray.
Nous avons passé une journée à ses côtés. Puis deux, puis trois, puis quatre… Aujourd’hui, nous ne les comptons plus. Peu à peu, au contact de cet homme hors du commun et de son univers fantasque et fantastique, un désir de film s’est imposé, avec une interrogation en filigrane : où va-t-il chercher toute cette énergie ? Que cherche-t-il à raconter ou se raconter en s’adonnant sans limite à son travail de création ?
En mai 2019, Robert a perdu son fils adoptif, Elie, dans un accident de voiture. Il avait 30 ans. Un drame qui l’a profondément bouleversé. Né au Rwanda, il avait été adopté par Robert et son ancienne femme, Nanou, à l’âge de quatre ans.
Elie est décédé en plein milieu du tournage de la fiction « Heureux les fêlés ». Robert aurait pu s’écrouler et tout abandonner. Mais grâce à son entourage, il s’est relevé très vite. Mais la blessure de la disparition d’Elie est toujours là, sous-jacente. Tout au long de notre documentaire, nous nous demanderons pourquoi la création est devenue au fil des années une nécessité pour Robert. Qu’a-t-il besoin d’exprimer et de transmettre ?
Cette confrontation à la mort de son fils le renvoie maintenant à sa propre finitude, à sa propre mort. Elle soulève de nombreux questionnements chez Robert.
Dès lors, notre désir de film a pris forme : il s’agira du portrait d’un homme qui tente de sublimer sa douleur, de transformer une colère et un sentiment d’injustice en objet d’art. La construction de ce palais ira au-delà de l’acte de résilience. Nos différents repérages nous ont permis de comprendre que ce palais est devenu aujourd’hui une priorité absolue pour Robert, l’essence même de son travail de création, la création la plus intime qu’il n’ait jamais réalisé.